Jean-Michel Leniaud, La flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris

Ce 21 mai, la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame et la Société des Amis de la Cathédrale de Strasbourg ont accueilli M. Jean-Michel Leniaud, Président des Amis de Notre-Dame de Paris pour une conférence consacrée à la flèche de la Cathédrale dont le monde entier a suivi l’effondrement en direct au soir du 15 avril 2019.

« Vue panoramique de Paris. L’Ile de la Cité et Notre-Dame ». Anonyme. Photographie. Paris, musée Carnavalet.

Il était intéressant de remarquer que cette flèche, prêtée à Eugène Viollet-Le-Duc, n’était pas le fruit de sa seule action, mais bien l’aboutissement d’un travail d’équipe de grande ampleur sous l’égide de Napoléon III. Mais prenons les choses dans l’ordre.

Ce que M. Leniaud a ironisé comme étant un sujet très pointu trouve ses racines dans la littérature, celle-ci ayant à maintes reprises fait l’article d’une flèche. Jusque dans la Bible, il est question d’un monument dressé vers le ciel, la Tour de Babel, tel le doigt humain désignant Dieu, cause de la confusion linguistique généralisée. D’ailleurs, chaque fois qu’il est fait état d’une flèche dans une œuvre littéraire, c’est toujours en lien avec un projet insensé !

Mais c’est donc Napoléon III qui, soucieux de remanier en profondeur le cœur de Paris, décidera de lancer une série de chantiers prestigieux, dont celui de la flèche de Notre-Dame, simultanément avec la construction des deux théâtres de la place du Châtelet et du bâtiment qui deviendra plus tard la Préfecture de Police de Paris. Sous ses ordres, le Baron Georges Eugène Haussmann, ce préfet qui a donné son nom au style typique des bâtiments que l’on peut trouver dans la capitale, et Auguste Bellu, entrepreneur sur qui reposera l’écrasante charge des responsabilités monumentales de ce chantier hors-norme.

Ce projet gigantesque, sujet de discussion privilégié lors de l’exposition universelle qui se tient au même moment, poursuit deux ambitions : faire de Paris la capitale du catholicisme, la nouvelle Rome, et donner à l’ancienne Lutèce la carrure de capitale de la France.

Et voilà qui finit par donner à ce rêve en grand une allure du XXIe siècle : les deux chambres du Parlement, en débat, refusent d’accorder les crédits nécessaires pour la flèche. Mais les travaux sont tout de même entamés, avec un résultat qui ne se fait pas attendre : les crédits viennent à manquer. Parallèlement, les architectes de l’époque refusent de reconnaître que leurs créations sont aussi le fruit des entrepreneurs qui travaillent pour eux, et voilà un débat déjà bien engagé sur les questions de droits d’auteurs et de propriété intellectuelle ! Charles Garnier lui-même n’hésitait pas à accepter des innovations techniques qu’à la condition de pouvoir les signer lui-même…

Qu’on se rassure, l’Histoire permettra à la flèche de Notre-Dame de Paris, prouesse d’art et d’industrie, de s’habiller d’un drapeau le 16 mai 1859, auquel viendront se joindre coq et reliques le 24 juin suivant.

David Gantou-Ingold

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