La chapelle de la Toussaint a été édifiée en 1855 dans un enclos discret, à l’écart de la rue du Faubourg-de-Pierre, au sein de la maison-mère des sœurs de la Charité, membres de la congrégation de Saint-Vincent-de-Paul. Une inscription rappelle l’existence, avant la Révolution, d’une chapelle sur le même site (à l’emplacement d’une maison située sur la rue, en décrochement de l’alignement), un « Oratoire de la Toussaint », fondé au XIVe siècle par Henri de Müllenheim. L’initiative de la construction revient à leur supérieur, Charles Spitz. Le projet est mené par l’architecte Eugène Petiti, lié à Gustave Klotz, et qui réalise également deux autres chapelles pour la même congrégation : Saint-Charles à Schiltigheim et Sainte-Barbe, au Faubourg national. Pour chaque chantier, l’architecte propose une autre grammaire décorative : romane à Schiltigheim, gothique à la Toussaint, classique à Sainte-Barbe.

Selon Théodore Rieger, Petiti aurait pu s’inspirer de la chapelle archiépiscopale de Reims, eu égard au déambulatoire qui enserre tout l’édifice. Mais l’inspiration vient également de la cathédrale de Strasbourg, notamment dans le traitement des baies et de la façade avec sa belle rose à pétales. Les statues qui ornent le pourtour de la chapelle sont dues à Renn qui représente des saintes et des saints ayant pratiqué la charité ; on les reconnaît grâce à leurs noms latins gravés dans la pierre.
L’intérieur évoque immédiatement la Sainte-Chapelle, un modèle repris en Alsace à Urmatt, à Logelbach mais aussi en Sarre à Mettlach. L’harmonie des formes se conjugue avec la délicatesse du décor : arcades ajourées et fleuronnées, au dessin différenciant le sanctuaire de la nef, guirlande de feuillages au portail, modénature des baies… Les commanditaires ont fait appel à Geoffroy-Dechaume, sculpteur présent sur les grands chantiers de restauration français (Notre-Dame de Paris, Laon… et à la cathédrale de Strasbourg pour les vantaux du portail) pour la réalisation du tympan.
Si la partie basse, aveugle, est marquée par le déambulatoire traversant les piles des contreforts, le regard est attiré par les verrières faites de petites panneaux. Réalisées sur les cartons de Steinheil, elles retracent l’histoire du Salut depuis la Genèse jusqu’aux saints modernes, la Vie et la passion du Christ décrits dans l’abside en constituant le centre et le pivot.

Du mobilier ne subsistent que peu d’éléments, dont le tabernacle, et surtout les objets liturgiques (non présentés). Ils ont été réalisés par un orfèvre parisien Louis Bachelet, qui aurait travaillé d’après des projets de Viollet-le-Duc. L’autel est décoré de plaques rappelant trois épisodes vétérotestamentaires dans lesquels on a vu une préfiguration du sacrifice du Christ : les sacrifices d’Abel, d’Abraham, et de Melchisédech, ce dernier ayant offert du pain et du vin à Abraham (Gen. Chap.XIV).

Ainsi, la chapelle de La Toussaint est un beau témoignage de l’essor du néo-gothique en Alsace, basé non pas sur une relecture des formes anciennes, mais sur l’analyse des témoignages qui nous sont parvenus. Elle exprime également la vitalité d’un catholicisme social et caritatif constitutif de la société alsacienne du XIXe et du XXe siècle.
Benoît Jordan
Ill. : Ralph Hammann – Wikimedia Commons – Own work, CC BY-SA 4.0 / Ralph Hammann – Wikimedia Commons – Own work, CC BY-SA 4.0 / Francis Klakocer