Histoire d’un saint Jacques newyorkais

Comme en Espagne, saint Jacques est particulièrement honoré en Alsace où il patronne trente et une églises et où le chemin de Saint-Jacques fut balisé en 2000 avec l’aide du Club vosgien. Notre cathédrale ne pouvait donc pas échapper à ce phénomène d’ampleur : le saint ornait plusieurs des autels qui ont disparu et apparaît à encore à plus de dix reprises à l’extérieur comme à l’intérieur de l’édifice dans les vitraux, les peintures du chœur et les sculptures.
1. Les monuments disparus / 2. Les sculptures / 3. Vitraux et peintures

Comment expliquer pareil succès ? Un peu d’histoire s’impose. Comme toujours, mythes, légendes et croyances religieuses sont inextricablement mêlées pour ce saint patron de l’Espagne qui serait à notamment l’origine de deux victoire sur les musulmans. La découverte de son corps donna lieu à une dissémination de ses reliques, en Alsace aussi.

Cet exemple exposé aux États-Unis mesure 46 cm de haut et a été commandé en 1486 par la reine Isabelle la Catholique au sculpteur Gil de Siloé pour être placé sur la tombe de ses parents Jean II de Castille et Isabelle du Portugal. La statue elle-même est en albâtre, comme d’ailleurs le tombeau lui-même. En 1914, elle est volée le comte de las Almenas. En 1927, il la vend aux enchères à New-York par, avec plusieurs autres œuvres espagnoles, et elle est finalement acquise en 1988 par le Metropolitan Museum. Restituer l’œuvre aurait été très difficile, mais après négociations le musée a accepté d’en faire une copie rigoureuse en albâtre.

Il porte tous les symboles qui lui sont généralement attribués : le chapeau, le bourdon (bâton de pèlerin), une coquille Saint-Jacques et un manteau. Rien de neuf, donc ? En fait, il donne à voir plusieurs particularités. Son chapeau replié porte en son centre une coquille entourée de deux bâtons de pèlerins croisés et d’une gourde ce qui n’est pas commun, à quoi s’ajoute encore une panetière, absente ailleurs dont à Strasbourg. Son bourdon (bâton de pèlerin) est un peu surdimensionné car les deux boules délimitent, en général, la poignée. Il faut y ajouter deux points : son large manteau qui paraît réalisé dans un tissu très précieux, manteau d’ailleurs rehaussé d’une coquille qui sert de fermoir. Et surtout, remarquons le livre qu’il tient : renvoi probable au protévangile de saint Jacques, qu’il aurait écrit.

Luxe et particularités détonnent par rapport aux représentations habituelles, mais s’expliquent : la statue était destinée à un tombeau royal tout aussi précieux.

Bernard Denner
Ill. : Metropolitan Museum of New-York

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