Le musée de l’Œuvre Notre-Dame illustre, en parallèle de ses collections d’art, certains grands jalons de trois siècles d’histoire du meuble à Strasbourg, en Alsace et dans le Rhin supérieur, du coffre, meuble par excellence du XIVe au XVIIe siècle, à l’armoire, du XVIe au début du XVIIIe siècle.

La visite a eu comme point de départ de beaux exemples de coffres à pentures du XIVe siècle dans les salles de peinture et de sculpture sur bois. Archétypes du coffre médiéval, ils sont constitués de simples planches de chêne ou de sapin et dépourvus d’ornement en-dehors de pentures de fer forgé. Les coffres sont alors les seuls meubles de rangement, et sont construits par les charpentiers.
Un coffre et un fragment de coffre, véritables raretés du XVe siècle, témoignent d’évolutions majeures vues en Italie : assemblages par feuillures et languettes, queues d’aronde, développement du décor sculpté… Ils annoncent l’arrivée de la Renaissance au siècle suivant, dès les années 1530, grâce au statut de profession à part entière obtenu par les menuisiers à Strasbourg en 1519. Le coffre s’ornera désormais d’un décor Renaissance, mais souvent réduit à des rinceaux et des détails d’architecture, sans vraie cohérence.

En 1544, le coffre constituant le chef-d’œuvre des candidats à la maîtrise à Strasbourg est plus précisément défini : il prend un caractère résolument architectural et le style Renaissance est parfaitement maîtrisé, comme le signalent les pilastres et la baie serlienne sur un coffre exposé, où apparaissent aussi la marqueterie et le placage.
Mais la vraie révolution du meuble est l’apparition de l’armoire à deux corps codifiée par le chef-d’œuvre de menuiserie de 1571. Celui-ci est incarné au musée par la grande armoire de Niedernai, de 1631, qui nous montre le succès et la permanence de ce modèle évoquant une façade de palais italien, qui fut la première vraie manifestation de l’architecture de la Renaissance italienne à superposition d’ordres dans la ville. Ce chef-d’œuvre reste en vigueur jusqu’au début du XVIIIe siècle.

La visite a été l’occasion d’ouvrir exceptionnellement quelques-uns de ces meubles pour découvrir leurs secrets : précision des assemblages, riches pentures ajourées, serrures à complications, tiroirs dissimulés. Elle s’est achevée dans la salle des Administrateurs, synthèse de l’évolution des techniques, retraçant la variété du champ d’activité des menuisiers de Strasbourg à la Renaissance, œuvrant à la fois dans le domaine du mobilier et des boiseries.
Jean-David Touchais
Photographies : Roland Moeglin